Peace and love
L’éducation nationale, comme vous le savez, est une grande pourvoyeuse de spécimens particulièrement fascinants. Je vous ai déjà parlé du psy scolaire. Dans son sillage, vous avez deux autres planqués qui valent le détour ; la maitresse E et la maitresse G (c'est souvent au féminin, mais rassurez vous, le masculin existe aussi).
Pour résumer, la maitresse E se prend pour une orthophoniste et la maitresse G pour une psychomotricienne, et pour un peu qu’il n’y ait pas de psy sur le secteur elles le remplacent très avantageusement tant elles maitrisent le jargon psycho-pédago-socio-philo-intello .
Sur un de mes secteurs, la maitresse G est une véritable caricature. La cinquantaine sonnée elle se ballade en couettes à nœuds roses, fait elle-même son henné (bonjour les dégats), arbore salopette en jeans et Clarks aux pieds l’hiver, Birkenstock l’été. Dans sa jeunesse elle a du avoir un van aux couleurs psychédéliques, mais il a rendu l‘âme à 800 000km
A la dernière réunion (équipe éducative) nous avons assisté à un show de plus passionnants, un grand moment de pédagogie. Elle a détaillé à de modestes parents en termes psy très recherchés, dans des phrases alambiquées, les observations qu’elle avait pu faire à propos de leur fils. Le père ouvrait des yeux ronds, commençait à se trémousser d’exaspération sur sa chaise, la mère avait les yeux dans le vague et fixait ses chaussures, on sentait bien que ces pauvres parents ne comprenaient rien. La difficulté « narcissique » de leur enfant et son incapacité à « extérioriser son ressenti » étaient en train de leur échapper totalement.
Alors j’ai ouvert ma grande g… et je lui ai demandé de nous le redire en termes plus vulgaires, parce que Mr et Mme avaient du mal à suivre. Monsieur a exprimé son soulagement, Miss Woodstock son mépris pour cette plèbe qui ne comprend rien et cette petite rééducatrice de province qui ne sait pas rester à sa place et lui interdit d’étaler sa science.
Le pire dans tout ça c’est que l’enfant dont il était question présente tous les signes d’une grave psychose. Le but de cette réunion était de faire comprendre en douceur aux parents qu’il fallait s’orienter vers l’hôpital de jour, qu’il était urgent de se rapprocher d’une structure plus appropriée qu’une simple orthophoniste en libéral et une maitresse G aux théories psychanalytiques fumeuses du niveau d’un « Que sais-je ? » ou de « La psychanalyse pour les nuls ».
Cette abrutie n’avait même pas remarqué que cet enfant était délirant, tenait des propos et avait un comportement totalement pathologiques. Elle nous a fait tout un laïus sur la richesse de son imaginaire, son univers fantasmatique, qui selon elle était un véritable atout. Le fait qu’il soit obsédé sexuel à 6 ans est bien entendu, selon elle, à mettre en relation avec l’extériorisation d’un Œdipe envahissant. Le fait qu'il exprime très nettement qu'il n'est pas tout seul dans sa tête relève d'une difficulté à construire un relationnel satisfaisant, et j'en passe..... Il y en avait un wagon comme ça, mais noyée sous le flot je n'ai pas pu tout noter. Je me suis promis d'y aller avec un dictaphone la prochaine fois et d'enregistrer tout ça en douce tant c'est grandiose.
Heureusement, la toubib scolaire a fini par arriver à la faire taire et je viens d’apprendre qu’une consultation est prévue pour très bientôt à l’hôpital de jour. Ouf.