Confusion des genres.

Mes copains et mes copines ortho ne sont pas contents. En ce moment la presse s'amuse à nous brocarder.

" La Provence" nous présente une instit spécialisée dans la dyscalculie qui a ouvert un cabinet de rééducation et qui elle, n'étant pas conventionnée, a le droit de se faire de la pub. "Le Monde", suite à la sortie du "Discours d'un roi", publie un article sur notre incompétence dans le traitement du bégaiement et nous accuse d'être les champions du soutien scolaire remboursé par la sécu. Pour imager son propos, un lien vers une vidéo où on voit un enfant entrer dans le cabinet de son ortho avec cette phrase d'accueil "tu as apporté tes devoirs?" OUTCH !!! Vraiment ça fait mal.

Alors ça gueule à tous les étages. Et je le comprends. Moi aussi j'ai envie de m'insurger. Sauf que j'ai un truc à vous raconter.......

Une histoire que va adorer ma chère consoeur "poil à gratter".

J'ai reçu en bilan une jeune fille de 13 ans, suite à un déménagement, suivie en orthophonie depuis le CP avec un bon gros diagnostic de DL DO, PAI en place depuis la nuit des temps.

Elle arrive avec, sous le bras, son dernier cahier d'orthophonie. Un truc énorme, bourré de fiches d'exercices bien indigestes concernant tous les homophones et les accords du participe passé. La moitié des exercices étant faite au cabinet, l'autre à faire à la maison, avec corrections de l'ortho précédent(e) et notation. Oui, vous avez bien lu, il y avait des notes.

Les exercices consistaient à compléter des phrases par à/a/as, on/ont, son/sont et j'en passe.....

Je ne suis pas aveugle au point d'ignorer que ce genre de choses se pratique dans les cabinets, mais là, à ce point, j'en avais les cheveux dressés sur la tête. Ces exercices systématiques n'ont à mon sens aucun intêret. Cette automatisation à outrance ne génère aucune réflexion d'ordre morphosyntaxique et une fois qu'on a compris la combine il est facile d'avoir tout juste. D'ailleurs la dictée de bilan l'a prouvé; erreurs sur tous les homophones, avec horreur, des difficultés morpho syntaxiques qui elles n'ont jamais été abordées.

Mais qu'est ce que ça rassure les parents !!! Il fallait voir la mère, comme elle vantait l'excellence de la prise en charge.

J'ai ramené tout le monde sur terre et proposé de donner les coordonnées du centre Acadomia le plus proche en expliquant bien que tout celà n'avait rien à voir avec une quelconque pathologie et que l'orthophoniste n'était pas un répétiteur. Bon, j'ai aussi rappelé qu'Acadomia n'était pas remboursé par la sécu.

Allez va, c'était ma semaine de bonté, je vais la prendre en charge et on va attaquer la morphosyntaxe, essayer d'amener une vraie réflexion sur le langage.

Comments

[Fannette]

Pour rebondir sur le commentaire d'OrthRO d'la ball (j'adore le pseudo!) : souvent les instits qui font ce soutien scolaire, qui leur a été imposé, ne prennent pas en charge les enfants avec les plus grosses difficultés, une instit m'a expliqué qu'ils avaient une espèce de devoir de "résultats" sur ces soutiens, et qu'ils travaillaient sur des thèmes très particuliers pendant un trimestre puis passaient à un autre thème le trimestre d'après avec si possible pas les mêmes enfants. Les difficultés doivent être ciblées...
Pour les autres tant pis.... (il reste toujours l'orthophonie ;-))

Sinon, on a tous et toutes ce genre de demande en cabinet et en CMPP où j'exerce également même si là, les médecins (du CMPP) pour certains font un sacré tri.
Dernièrement, un enfant est venu en bilan parce qu'il risquait de ne pas y arriver en CP, la maman souhaitait un coup de pouce pour démarrer la lecture.... (euh mais savez-vous ce qu'est l'orthophonie Madame?)
Une ado de 14 ans : "elle pense à tout sauf à l'école" Ah... et????

[OrthRO d'la ball]

@orthobé: j'exerce depuis 7 ans et ce n'est que très récemment que j'ai eu ma GROSSE remise en question, donc rassure-toi, tu as l'air d'avoir été plus rapide à la détente que moi! ;-)
Je me rends compte aujourd'hui qu'on se laisse facilement entraîner, pas évident de se positionner devant toutes ces demandes venant des parents, de l'école...
L'autre jour, ça a été très clair: quand j'ai demandé à une maman si son enfant bénéficiait de soutien scolaire, elle m'a répondu que la maîtresse avait arrêté car selon elle, elle "ne pouvait plus rien faire pour lui (!) et de toutes façons, il va avoir de l'orthophonie, donc..."
Après bilan (enfant de CE2, redoublant, venant à la base pour des problèmes d'entrée dans le langage écrit), je pars avec cet enfant sur une rééducation de langage oral, et ce qui est sûr, c'est que je ne suis pas prête de lui faire faire des dictées! Mais il y a encore 1 an 1/2- 2 ans, pas sûr que j'aurais eu ce recul...

[orthobé]

Bonjour! Merci a poil à gratter pour son petit commentaire! Il est vrai que je suis une jeune orthophoniste et que j'ai observé dans tous mes stages l'utilisation d'un classeur comme support mais alors franchement, je suis vraiment dans une remise en question totale de son utilité! J'essaye au maximum d'y mettre des photocopies de petits jeux pour que parents et enfants apprennent à jouer ensemble et parler ensemble autour de ces jeux mais il est vrai que je devrais integrer davantage les parents aux séances... A savoir si cela va etre réalisable parce que " on n'a pass que ca a faire, on doit faire les courses"... Je réfléchis à une autre facon de faire, plus ecologique, plus efficace, moins scolaire pour du langage oral... ô espoir revient!!!!

[OrthRO d'la ball]

J'oubliais: "mon fils (17 ans, pleine crise d'ado) ne sait organiser son travail: il ne sait pas prendre de notes en cours ni ranger son classeur"... Résultats du bilan: un garçon en pleine rebellion contre sa mère, brillant, sans trouble de plannification, de jugement etc..., un brin, mais alors un gros, hein, provocateur. "Mais vous DEVEZ l'aider à ranger son classeur!"
Franchement, ça a été très dur de lui dire non, à cette maman en plein désarroi, la larme à l'oeil, et qui n'arrive plus à gérer son fils en acceptant ses défauts sans les instrumentaliser. Je crois que parfois, voire souvent, il est plus facile de dire oui que non.

Quant au classeur, je ne jette pas la pierre: j'ai donné dedans aussi à une époque, particulièrement dans les 1ères années de mon exercice. Quand on a encore du mal à se positionner, il faut avouer que c'est rassurant pour soi et pour les parents, que ça donne l'impression d'une continuité de ce que l'on a fait au quotidien.... sauf qu'effectivement, c'est n'importe nawak! Sauf les cahiers de communication, de DNP, etc...

Les parents non plus, je ne les blâme pas, ils veulent trouver des solutions... "Qu'est-ce que je peux lui faire faire comme exercices à la maison pour l'aider? - Si vous lui faites faire des exos en plus de ses devoirs d'école, madame, vous ne l'aiderez pas! Laissez l'instit donner des devoirs,elle est la seule à pouvoir le faire, laissez-moi le rééduquer, je suis la seule à pouvoir le faire, et restez maman, vous êtes la seule à pouvoir le faire!". Après y'a l'accompagnement, mais c'est autre chose...

Faut que j'arrête de blablater, là!

[orthorigolo]

Et oui: la maîtresse m'a dit de vous demander de lui apprendre l'alphabet parce que elle elle y arrive pas (GSM, gros RL, Tb phonologique massif)." Bien sur, no problem, je m'y colle de suite, et ça va servir à quoi?"
La maîtresse veut une note d'évolution sur la PEC de ma fille "Ah, et pourquoi donc? Vous savez ce qu'on fait c'est un peu secret, ça la regarde pas trop, menfin si vous êtes d'accord elle a qu'à m'appeler"
Je comprends pas il a eu un carton à son contrôle sur le futur, pourtant on avait bien révisé et il savait tout par coeur! "Ah, dis-moi Titi c'est quoi pour toi le futur? Euh, chai pas un truc inutile qu'on doit apprendre à l'école?"
Je rejoins Orthologo, l'orthophonie soutien scolaire fonctionne très bien sur ceux qui ont un simple retard d'acquisition mais lorsqu'il y a une vrai pathologie du langage quelle qu'en soit la raison (dys, trouble psy, trouble neuro, déficience...) ça ne marche plus. POURQUOI?
Alors pour certain(e)s il est bien plus facile plutôt que de se remettre en question et de se poser de réelles interrogations sur le pourquoi et le comment de notre pratique, plutôt que d'essayer en permanence de continuer à se former, à faire des recherches pour essayer d'aborder le plus sereinement possible nos patients, il est bien plus confortable donc de "trier" sa clientèle (on ne peut parler de patientèle dans ce cas) et de continuer à faire du soutien plébiscité par les parents et l'institution scolaire.
Lorsque les soins orthophoniques ne seront plus pris en charge par la sécu pour cette raison (entre autre) ils seront les premiers à pleurer.